Editions de l'Aire
4 août 2007
« Je ne suis pas celle que vous croyez… » Arrêtée et jetée en prison, Sonia Stiller a tout loisir de se repasser le film de la terrible méprise. A peine femme, tout juste sortie de l’adolescence, son crime n’est-il pas d’avoir découvert le monde hallucinant qu’est le nôtre ? Non, elle n’est pas la terroriste que l’Etat a cru déceler en elle.
"Je ne suis pas celle que vous croyez..."
Traitant de l’identité et du destin, l’auteur fait délibérément à Max Frisch. Déguisé en polar, ce roman haletant met en scène des personnages vivant dans l’officialité ou dans la marginalité, mais qui tous jouent leur vie comme on joue au poker. Reflet d’un monde moderne et angoissé où l’inhumanité est heureusement entrecoupée d’éclairs de tendresse rendant ainsi la vie encore possible, Sonia ou l’empreinte de l’amour allie habilement l’étrangeté de la fiction scientifique à l’intimité de la narration romanesque.
Le littéraire, N° 13/14
10 septembre 2007
Comme dans un cauchemar, le roman s’ouvre par l’arrestation brutale de l’héroïne, Sonia Stiller, prétendument terroriste, et qui ne cesse de répéter : « je ne suis pas celle que vous croyez… »
S’agit-il de Sonia Stiller ou bien de Sonia Kaufmann ? Le doute saisit le lecteur au fur et à mesure que l’intrigue se complexifie, mêlant l’étrangeté du savoir scientifique au suspens du roman policier sans exclure pour autant l’amour, la tendresse filiale ou l’amitié.
Sonia, jeune femme de 25 ans, de la génération des squats, aime un journaliste, d’investigation bien sûr, Max Wolf, vieux soixante-huitard désabusé et pince-sans-rire, dont la mort bouscule tout l’échafaudage. Les différents personnages de ce roman haletant et sourdement inquiétant permettent à l’auteur, de manière originale, d’interroger les notions d’identité, d’attachement et d’abandon, mais aussi la notion d’hérédité à travers celle d’empreinte génétique, et la dimension de contrôle social qui nous renvoie à la fameuse affaire des fiches. Comment se construit notre enfermement, de ces contraintes à la fois biologiques, sociales et affectives ?
Si Daniel de Roulet, dans Double (1998), racontait sa propre vie sous forme d’enquête, à partir de son dossier de police, Serge Bimpage, lui, plonge délibérément dans la fiction pour brouiller les pistes dans ce roman ambitieux, qui n’atteint pas la densité et la profondeur du Stiller, mais garde sans cesse en éveil la curiosité du lecteur. L’auteur, pour cet excellent troisième roman, a trouvé une manière subtile et ironique de réfléchir sur le monde moderne et notre identité helvétique éclatée et vacillante.
Claude-Anne Borgeaud
Construire
10 septembre 2007
Sonia ou l’empreinte de l’amour, dans Construire
Salut les auteurs romands !
Sonia ou l’empreinte de l’amour ? Cela tient du polar, mais c’est aussi plein d’une bonne humeur dynamique et drolatique. Bimpage envoie paître le beau style et s’amuse. Il y a du ton, une allégresse, une rapidité, une légèreté. C’est aussi que son héroïne-narratrice est une « gamine » de 25 ans qui porte des bas résille et des bottines, ambitionne d’aller étudier la peinture à la Whitney School de New York, et se présente comme ça : « Moi, c’est Sonia. Pas de carte de visite. Un piercing sur la langue, une cicatrice sous la joue, vierge d’amour vrai, et fatiguée. »
Il lui arrive quantité de péripéties, à elle ainsi qu’à Max, le journaliste quinquagénaire resté attirant, et à ses potes du squat : Assaad et Motus, le petit aveugle qui voit loin… Une bande sympa et débrouille, qui vous réconcilie avec Genève, sa cathédrale Saint-Pierre « à la fierté contrite », son quartier « bâtard » de la Jonction et son Salève « comme affecté d’eczéma ». C’est bien vu, non ? Quant à l’intrigue ? Tout tourne autour d’un labo d’analyse côté hôpital. Une affaire d’empreintes génétiques… problèmes d’identité… atteinte à la sécurité de l’Etat…
Jean-François Duval
Scène Magazine
10 septembre 2007
Sonia ou l’empreinte de l’amour, dans Scènes Magazine
Polar métaphysique
Méfiez-vous de Serge Bimpage ! Ce diable d’homme, que les lecteurs de La tribune de Genève connaissent bien, a plus d’un tour dans son sac. Enquêteur, reporter au long cours, passionné de sciences humaines, il nous livre aujourd’hui trois autres facettes de son talent.
Un polar haletant, tout d’abord, Sonia ou l’empreinte de l’amour, qui s’inscrit dans la lignée des enquêtes métaphysiques d’un Dürrenmatt ou d’un frisch ; un magnifique livre d’images ensuite, Les visiteurs de la Suisse (1945-1965) inspiré par les photographies de Jean-Pierre Grisel ; un recueil de portraits, enfin, dédié à Michel Baettig (l’ami aux multiples talents et à l’énergie inépuisable) qui permet de faire mieux connaissance avec diverses personnalités genevoises (de l’artiste Marc Jurt au comédien Jacques Michel, en passant par Frank Fredenrich, fondateur de Scènes Magazine).
Une double identité
Sonia Stiller ou Sonia Kaufmann ? Le roman de Bimpage s’ouvre sur une arrestation, qui pourrait être un gag, mais aussi une terrible méprise. Est-ce bien elle qu’on cherche ? Est-ce bien elle qu’on arrête ? Sonia au double visage, « côté diurne, c’est un mariage de soleil et d’hortensias ; côté nocturne, l’atmosphère ouatée du songe ». Sonia qui, peu à peu, s’est construit une planète, comme le Petit Prince, qui n’appartient qu’à elle, et que personne ne lui prendra…
Mais impossible, bien sûr, de fuir le monde, même en vivant dans ses marges (Sonia vit dans une communauté de squatters dont Bimpage restitue bien le charme et les contradictions). La société rattrape toujours ceux qui rêvent de lui échapper. Bien malgré elle (mais le hasard, surtout dans les romans policiers, n’existe pas) la jeune femme va se trouver mêlée à une affaire qui la dépasse, et va bouleverser sa vie.
C’est Max, d’abord, un journaliste un brin désabusé, qui vient l’interviewer au squatt, Max dont elle tombe amoureuse et que bientôt, dans d’obscures circonstances, on trouvera « suicidé » chez lui. Sonia va alors reprendre son enquête, à la fois difficile et dangereuse, qui la mènera dans les milieux médicaux et politiques.
De quelle affaire s’agit-il ? Trouvant une place dans un laboratoire d’analyse génétique, Sonia pourra enfin découvrir le secret (mortel) de Max : un réseau de surveillance intime des individus (c’est le rêve du Rhino, Big Brother de la police genevoise) reposant sur l’analyse génétique de chaque citoyen, dont les caractéristiques (à la fois physiques et psychiques) sont fichées ad aeternam.
Comme le hasard n’existe pas, la belle Sonia, mettant au jour un important trafic d’empreintes génétiques, découvrira également le secret de son nom – c’est-à-dire de son père. Alors Sonia Kauffmann ou bien Stiller ? Il faut lire le polar haletant, plein de surprises, d’inventions drôles et de saillies, de Serge Bimpage pour connaître le fin mot de l’histoire. L’enquête est rondement menée et cette empreinte de l’amour ouvre sur des abîmes métaphysiques (l’identité, le destin, le faux secret médical).
Jean-Michel Olivier
Coopération
10 septembre 2007
La fabuleuse histoire, dans Coopération
« Sonia ou l’empreinte de l’amour » est un fameux roman. A dévorer d’un trait, sous l’œil de Big Brother…
Autant vous dire qu’en ces pages vous voilà parti pour un grand voyage. Et pour un sacré monde qui palpite dans le temps conté de Sonia ou l’empreinte de l’amour, le premier roman de Serge Bimpage. Un roman. Tonique. Déroutant. Avec du suspense comme dans un thriller (il en a la vive et ironique allure) dont le récit vous emmène par meurtres, squat, laboratoire d’analyse et autres nuits prises en filature dans les très malignes embrouilles des fiches génétiques. Et du secret d’Etat.
Mais dans ce temps que fait remonter Sonia, Sonia l’insoumise, l’énigmatique, Sonia qui peint, qui aime, Sonia qui se risque et qui elle-même découvre son histoire, dans les cahiers qu’elle écrit en prison, c’est aussi une vaste quête, initiatique, que l’on traverse en ce roman. Où l’on est dès l’abord embarqué dans une manière de cauchemar, mais diurne et très éveillé : l’arrestation, façon brutale et sans appel, de Sonia elle-même.
Sonia Kaufmann ou Sonia Stiller ? « Je ne suis pas celle que vous croyez… », dira-t-elle, en un premier écho de la phrase d’Aragon placée à l’entrée de ce bouillonnant livre : « Quel est donc celui que l’on prend pour moi ? »
Car cette question de l’identité est continûment à l’œuvre dans le roman de Serge Bimpage. Et non seulement dans la trame immédiate du récit qui met en scène, dans la ville (un Genève aux allures inédites), l’ombre persistante de Big Brother. Mais encore, et dans d’autres strates du récit, l’identité passe par le questionnement de la peinture. Et celui de la littérature, en un vaste réseau de citations. La question de savoir qui nous sommes est ainsi liée à celle de la parole qui dans son mouvement nous définit. La fable de Sonia, écrivant…
Jean-Dominique Humbert