Deux vieux amis décident de fêter leur anniversaire de manière originale : au travers d’un séjour loin de tout, seuls, dans les montagnes du Népal. Servi par une écriture dense et limpide, ce roman constitue une interrogation poignante sur l’amitié, le mitan de la vie et le sens de l’existence.
« Viktor peinait à respirer. Il se sentait doublement prisonnier. Du regard de Léon et de la vague nauséeuse qui lui comprimait le diaphragme. Des larmes coulaient sur sa joue. Dans un ultime effort, il lui demanda pardon dans un murmure; il pensait que tout cela était oublié.
L’autre eut un geste vague, comme s’il jetait quelque chose par-dessus l’épaule. Il but une rasade de vin au goulot et reposa bruyamment la bouteille. Son visage changea soudain, ses yeux étaient mouillés. Il se racla la gorge, tendit le cou pour aider son aveu à sortir : il n’avait plus que son ami, il avait besoin de lui, mais il était toujours si occupé… »
Scènes Magazine
"Entretien: Serge Bimpage", dans Scènes Magazine
« L’amitié contient de l’amour, jamais l’inverse ». Le dernier roman de Serge Bimpage, Pokhara (Editions de L’Aire) est une interrogation poignante sur l’amitié, le mitan de la cinquantaine et le sens de l’existence. Entretien avec son auteur.
Viktor et Léon, les deux protagonistes de votre roman, effectuent un "trekking" dans les montagnes du Népal. Il s’agit en fait de retrouvailles...
A vrai dire, ils ne se sont jamais perdus de vue ! On pourrait même dire qu’ils n’ont jamais cessé de se tenir à l’œil, de guetter l’évolution de l’autre. C’est le lot de l’amitié.
Dans La chute, Camus montre comme l’amitié se conquiert péniblement, après quoi « il faut faire face » : à la différence, à la singularité de l’autre, ce qui exige beaucoup de maturité. Une douloureuse confrontation de cet ordre avait eu lieu vingt ans auparavant, justement à l’occasion d’un « trekking » dans l’Himalaya. Or, Viktor ne l’avait pas supportée.
C’est pourquoi, d’un accord tacite, ils décident de renouveler l’aventure en fêtant leur cinquantième anniversaire au même endroit. La métaphore est celle du mitan de la vie. On dresse le bilan ; douloureux dans la mesure où les portes des possibles se referment une à une ; merveilleux dans celle où l’on peut bénéficier du bien si précieux de l’amitié…
Laurent Cennamo
L'Echo Magazine
Léon et Viktor, une histoire d’amitié, dans L'Echo Magazine
« Pokhara », de Serge Bimpage, emprunte son titre à une localité népalaise. Deux amis qui ne se sont pas vus depuis longtemps décident de fêter leurs cinquante ans par une marche, passablement ascensionnelle, jusqu’aux pieds de l’Anapurna. Plusieurs années auparavant, Léon et Viktor avaient tenté pareille expédition, mais au dernier moment Viktor avait craqué. Aucun n’était revenu sur cet épisode.
Chargés de tout un matériel de survie, les voilà partis : « Le lendemain, ils se mirent donc en marche dès l’aube, empruntant un large chemin qui débutait par le franchissement d’une rivière. » Dès cet instant, le lecteur suit les deux hommes aussi bien dans leur longue avancée que dans le chaminement de leurs pensées. Leur amitié va-t-elle résister à la fatigue, à l’inconfort, à l’inconnu ?
Léon, plus aguerri à ce genre d’aventure, allait de son pas régulier, Viktor caracolait comme un chevreuil. Léon dut le rappeler à plus de sagesse, donc plus de lenteur réfléchie. L’un des deux n’atteindra pas le camp de base de la grande montagne.
C’est ce mystère du destin qui doucement se dessine dans l’écriture de Serge Bimpage, une écriture limpide, qui coule comme un torrent, tantôt légère, tantôt profondément interrogative et lucide.
Voilà un roman qui se lit d’une traite, parce qu’il n’est pas possible d’abandonner ces deux hommes qui avancent dans leur solitude.
Mousse Boulanger
Alain Bagnoud
"Article de Alain Bagnoud sur son blog"
Pokhara est un court texte elliptique qui semble la partie émergée d'un iceberg : on perçoit, sous la ligne de flottaison, une immense masse juste suggérée.
Viktor et Léon, deux vieux amis, fêtent leur cinquantaine dans les montagnes du Népal. Ils se connaissent depuis l'enfance, ils ne savent plus très bien quand ils se sont rencontrés pour la première fois. Pendant quelques jours dans ce décor grandiose, il est question entre eux de choses graves. De l'amitié, de la crise de la cinquantaine et surtout de la manière de conduire son existence.
Entre eux il y a des souvenirs, une femme convoitée par tous les deux et que Viktor a fini par épouser. Ils ont connu deux trajectoires différentes, ils ont adopté deux manières opposées de mener leur vie.
Léon est un baroudeur plutôt silencieux, un humanitaire habitué des conflits et des camps, globe-trotter qui a abandonné femme et enfants. Viktor vit depuis des années en couple, dirige un restaurant, a des valeurs bourgeoises. Leur amitié est faite d'attirance et d'agacement, de rivalité et de flashs d'amour.
Ils passent quelque temps dans un refuge, sur un plateau désertique, puis se dirigent vers un camp de base près de l'Annapurna. A mi-chemin, Viktor renonce. Léon va jusqu'au bout, seul, mais quand il retrouve son ami en ville, c'est... Non, vous savez bien : on ne révèle pas la fin des romans, surtout quand il y a une surprise.
Alain Bagnoud
Source: blog d'Alain Bagnoud
Le Courrier
Amitié au sommet, dans Le Courrier
Viktor et Léon fêtent leurs 50 ans par un séjour au Népal : les deux amis ont pris des chemins divergents, la marche et la solitude devraient leur permettre de se retrouver. Perchés en pleine montagne, ils confrontent leurs idées du bonheur : si Viktor est heureux en ménage et stable sur le plan professionnel, Léon l’éternel voyageur pose en don Juan toujours insatisfait, un rien méprisant de la vie rangée de son ami.
Le fil des jours fait ressurgir leur ancienne rivalité ; le dépassement de soi offert par la marche inspire à Léon une tardive remise en question. Ode à l’amitié, Pokhara du Genevois Serge Bimpage, s’interroge sur le sens de la vie et l’accès au bonheur. Dommage que l’auteur rendre aussi explicite la vision qui sous-tend son propos, frôlant le didactisme : le roman est alourdi par des accents un brin moralisateurs.
Anne Pitteloud
La Liberté
Un grinçant anniversaire, dans La Liberté
Décidément le journaliste genevois poursuit sa quête de l’écriture vérité sur les rapports entre les êtres.
Dans La Reconstitution (qui est rééditée dans la collection L’Aire bleue), il tentait le redoutable exercice de « tout » dire sur son père. Avec son nouveau roman, Pokhara, il envoie deux vieux amis, au mitan de leur vie, fêter leur anniversaire dans les montagnes du Népal.
Une célébration grinçante puisque les hauts sommets du toit du monde vont révéler à Viktor et Léon quelques bribes de vérité sur l’amitié et le sens de la vie. Un récit intelligemment mené, dense et précis, sans fioritures, comme si l’air raréfié du Népal rendait tout discours impossible, mais se prêtait à la concentration sur quelques mots essentiels.
Jacques Sterchi
Le journal du samedi 10 novembre 2007, Radio suisse romande
On en vient au roman que vous nous proposez, on le doit au Genevois Serge Bimpage, auteur de plusieurs récits, essais, biographies et romans. Son titre, c’est Pokhara, une petite ville du Népal d’où partent les ascensions ?
(Geneviève Bridel) C’est ça, et c’est le lieu où se retrouvent deux amis d’enfance, pour fêter leur cinquantième anniversaire, « loin des méchants », comme dit l’un d’eux, Léon. Léon qui est, on va simplifier, le baroudeur qui a tout largué, femme et enfants, en tout cas, qui se veut libre et sans attaches ; son ami Viktor, lui, a réussi à s’échapper pour cette occasion du restaurant qu’il dirige avec sa femme, il revendique son désir de « jeter l’ancre », comme il dit, ce à quoi l’autre lui réplique qu’il a signé son arrêt de mort !
Sur moins de 100 pages, Léon et Viktor vont entamer un trekking, confronter leurs choix de vie et aussi sentir ce que peut et doit être l’amitié. C’est un livre concis, raison pour laquelle il aurait pu se dispenser de la moindre coquille – c’est un message à l’éditeur – et c’est un livre à la fois résistant et fataliste !
Ce qui paraît contradictoire… ou on résiste ou on se résigne, non ? Comment faire les deux à la fois ?
(GB) En acceptant de renoncer pour ne pas être vaincu : autrement dit, en assumant ses faiblesses et ses dépendances, en reconnaissant ce que l’on doit aux autres, mais aussi en gardant vivants et présents à l’esprit les engagements qu’on a pris, les conneries qu’on a faites et en se répétant que ce qui devait arriver arriva, ou arrivera.
Voilà la conciliation de ces deux attitudes qu’on trouve dans le roman de Serge Bimpage, avec une prédominance du fatalisme, tout de même, qui se résume dans cette phrase : « il fallait se faire une raison : l’univers des possibles se rétrécissait. » C’est sans doute la phrase dans laquelle se retrouveront pas mal de quinquagénaires, pour autant qu’ils s’octroient, comme les deux héros de Pokhara, le temps de réfléchir deux minutes à ce qu’ils sont, ce qu’ils font et ce qu’ils veulent.
C’est une sorte de bilan un peu nostalgique, ce livre ?
(GB) Pas nostalgique dans la mesure où la nostalgie viendrait de ce qu’ils refusent le présent et lui préfèrent le passé, ce qui n’est pas le cas. Et puis aucun des deux amis ne larmoie vraiment, même si tous deux gambergent pas mal… pour des hommes ( !) puisqu’ils ont quitté l’action pour la réflexion… D’ailleurs, cette situation extrême qu’ils ont choisie, effort physique, dépaysement, solitude, huis clos, si on peut dire à propos de l’Himalaya, se prête particulièrement à l’introspection.
Disons plutôt que c’est le bilan d’une vieille amitié de plus de 40 ans… avec un constat tardif mais réel sur les soins qu’exige l’amitié et que l’auteur exprime ainsi : « L’amitié contient de l’amour, jamais l’inverse. D’un amour trahi, on se remet, pas d’une amitié disparue ».
A ce stade, il faut peut-être préciser que Pokhara n’est pas un livre macho sur les vertus de l’amitié virile.
Encore une contradiction à relever chez Bimpage, son livre a quelque chose de féminin dans la volonté de faire le point, et de mettre des mots sur des sentiments enfouis et des non-dits, mais l’écriture est assez masculine, je dirais parfois un peu expéditive, on reste parfois sur sa faim, notamment de correspondances plus développées entre cet Himalaya formidable et ce sentiment de vanité qu’éprouvent les deux amis. Le fond prend le pas sur la forme. Ce qui est tout à fait cohérent avec le propos de l’auteur : s’interroger sur ce qui est essentiel, ce qui reste en fin de compte.
Geneviève Bridel
la Tribune de Genève
La route de « Pokhara » serpente à la croisée des destins et de l’amitié, dans la Tribune de Genève
D’une écriture sensible et épurée, Serge Bimpage tisse un récit d’une rare densité
Tendre. Vers le ciel, les sommets, l’autre toujours. Pour Viktor et Léon, qui ont décidé de fêter leurs 50 ans sur les contreforts de l’Annapurna, cette tension assure toute son acuité à la relation qui les unit.
En quête d’appuis, cheminant sur une amitié plus instable qu’il n’y paraît, les deux hommes se sont lancés dans cette escapade comme on s’offre une retraite hors du monde.
C’est bien en amont de Pokhara, là où le quotidien reprend ses droits, que leurs routes ont divergé. Parce que la vie est ainsi faite qu’elle ne laisse guère de choix. On peut y céder à son corps parfois défendant, à l’instar de Viktor, ou prendre la tangente. Abandonnant femme et enfants, Léon a opté pour la rupture, « comme tous les grands hommes ».
Aux yeux de Viktor, ce choix relève d’une fuite en avant qui ne mène nulle part. Et surtout pas vers une illusoire réinvention de soi. Pour lui, Léon se fourvoie. La vraie vie est peut-être ailleurs, mais cet ailleurs n’en est plus un dès lors qu’on l’atteint. « N’était-ce pas à lutter contre sa pesanteur que l’être humain déployait l’essentiel de son existence ? », se demande notamment Viktor.
Le bonheur en question
Sans fioriture, dans une langue fluide et élégante, Serge Bimpage trace les portraits tout en nuance de deux amis au mitan de leur existence. Loin d’être absentes de ce récit aux contours métaphoriques, les femmes en esquissent le douloureux relief.
A l’horizon du périple, c’est moins le bonheur que sa définition la plus juste qui semble motiver la course de Viktor et Léon. Avec, pour finir, ce constat humble et lucide : « La vie est belle du simple bonheur d’être envie. Qui ne réalise pas cette absolue vérité ne vit pas ».
Lionel Chiuch
l'Hebdo
Sélection Payot/L’Hebdo « les meilleurs romans de la rentrée », dans l'Hebdo
Pour leurs 50 ans, deux amis décident de refaire un voyage entrepris il y a dix années, au cœur du Népal. Cette première expédition s’était soldée par un renoncement, celui de Viktor.
Léon ne lui en a pas tenu rigueur. Pour preuve, il lui propose à nouveau ce voyage. Au fil de l’ascension, c’est toute l’amitié entre les deux hommes qui est évoquée, les non-dits du passé ressurgissent et sucitent diverses questions.
L’amitié survit-elle envers et contre tout ? Peut-on pardonner et jusqu’où peut-on aller par amitié ?
Florence Capelli